Jean François Betala BelingaHommage
La culture. Cet homme à la gouaille et à la gniak communicative pouvait de prime abord laisser l’impression qu’il n’était qu’un bon vivant et rien d’autre. C’était mal connaître le personnage. A plus d’un égard, Sébastien a fait montre de son éclectisme et de sa trans-culturalité. Il est devenu un de ces citoyens du monde comme l’on aimerait en voir de plus en plus souvent. Il reflétait cette maxime si chère à ma pensée : loin d’être un ambitieux sans esprit, il n’était pas un parvenu sans culture. Il a su garder le sens de tout son apprentissage et de sa vie. Il a su mêler l’instruction acquise à l’école occidentalisée et l’éducation fournie par la chaumière familiale africaine. Sébastien pour moi c’était en effet tout ça : un homme cultivé, instruit et surtout éduqué. Il n’était pas l’homme du compromis mièvre ou de la compromission éhontée. Il était de ceux, qui loin d’être des girouettes balayées par le vent du moment se plaisaient plutôt à être parmi les marionnettistes qui font le spectacle. Sur ce point précis, Sébastien m’a donné une bonne leçon : celle de me dire qu’a force d’avoir intériorisé notre infériorité, nous les africains, avions fini par croire que le fait d’être intégré dans ce monde globalisé passait nécessairement par la négation de ce que nous étions. Non, Sébastien ne m’a pas paru jouer un rôle ou encore s’il en jouait un, il a joué le sien, ni plus, ni moins. Sébastien m’a donné la preuve que l’on pouvait être aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau dans une ville d’accueil, sans pour autant oublier qui l’on était et d’où l’on venait. S’il est vrai que savoir ou l’on va peut vous dédouaner de penser à votre lieu d’origine, il avait néanmoins compris que si l’on oublie ou l’on va, il faut essayer de se rappeler d’où l’on vient.
La fierté revendiquée : Il m’a donné une énième leçon : être vrai. Il a compris que ce n’est qu’en étant vrai, en étant soi même que l’on pouvait enrichir l’autre. Que cette altérité était une richesse à défendre jalousement. Il m’a accepté tel que j’étais au delà de la divergence de nos points de vue, il ne m’a disqualifié sur aucun poncif, même quand je soupçonnais que je heurtais sa façon de voir les choses. L’on pourrait penser que c’était une personnalité erratique à l’audition de ce discours .Qu’il tolérait tout. Ce serait faire fausse route ! Sébastien savait être ferme sur ses convictions. Il m’a fait comprendre qu’il ne fallait pas rêver de sa vie, rêver sa vie mais vivre son rêve. En un sens, il m’a donné une autre leçon : celle d’être fier. Fier , non pas de caractères ataviques ontologiquement déterminés sur lesquels l’on n’aurait eu aucun mot à dire , non pas de cette fierté exclusive qui écrase l’autre , mais plutôt de cette fierté communicative , non ostentatoire , réelle qui suscite l’adhésion et l’admiration. C’est sans doute pourquoi il était doté d’un sens critique très accru , mais pas d’un sens de la critique. Il avait su faire la part des choses entre esprit critique et esprit de critique. En effet , bien que très critique de la situation de son pays d’origine (qui est aussi le mien), dans nos discussions il ne l’avait jamais dépeint comme une contrée déterminée par le désamour de la providence à végéter dans le misérabilisme et la médiocrité.
Après avoir dit tout cela, on s’en retourne à soi même.
Sébastien, tu m’as beaucoup apporté. Corrompu par la mentalité comptable de mon environnement, je trouve que tu es parti trop tôt . Nous avons partager peu de temps ensemble , mais ces moments ont toujours été très riches en échanges. Tu avais ce don consistant à rendre les moments ( plus) vivants. Mais à choisir, que privilégier ? Donner des années à la vie ou donner de la vie aux années ? A ta façon, tu as répondu à cette question.